Lettre Pastorale



2013-04-27

Lettre Pastorale


Par la grâce et la clémence de Dieu Très Haut

Jean X

Patriarche grec-orthodoxe d'Antioche et de tout l'Orient

A mes frères, pasteurs de la Sainte Eglise d'Antioche et mes enfants, là où ils se trouvent dans les contrées de ce siège apostolique

Je m'adresse à vous aujourd'hui, á la veille de la clôture du Carême de la Sainte Quarantaine au moment où on s'apprête à entamer la Semaine Sainte, entourés de toutes parts par la douleur. Les dangers menacent nos habitations dans nos contrées antiochiennes. Les évènements politiques tempêtent sur nos patries. La personne humaine se trouve ainsi menacée dans son vécu quotidien, dans son logement, et sa vie. Nous sommes sans cesse éprouvés tous les jours, par les épreuves de la mort ou de l'enlèvement, la dernière étant celle de l'enlèvement de nos confrères les évêques Paul, métropolite d'Alep et d'Alexandrette des grec-orthodoxes, et Yohanna Ibrahim, métropolite d'Alep des syriaques orthodoxes, et la mort du diacre qui les accompagnait.

Je partage avec vous la douleur que ressens un grand nombre des fidèles de notre Eglise, en raison des difficultés qu'ils traversent. J'œuvre avec mes frères les membres du Saint Synode pour atténuer l'impact de ces circonstances sur eux et sur l'ensemble de nos concitoyens. Ceci fait partie intégrante de notre témoignage. Mais nous ne sommes pas disposés pour autant, à accepter ce à quoi est exposé l’être humain dans ces contrées. Nous œuvrons pour que notre refus de la réalité d'aujourd'hui, puisse être le reflet de notre foi.

Nous refusons cette réalité et nous la condamnons. Nous n'avons pas non plus peur de celui qui use de la violence comme processus et chemin car nous sommes les enfants de la résurrection. Que nous soyons tués, que nous soyons enlevés, que nos institutions soient détruites, tout cela ne va pas entamer notre détermination à continuer à s'attacher à notre citoyenneté et à la coexistence, et à s'accrocher à notre terre, et à demander la justice et le droit dans nos contrées.

Ainsi, chacun de nous, dans l’espace antiochien des pays de l'Eglise mère ou dans les pays de la diaspora, est invité à essayer d'exprimer son angoisse, et son refus du déroulement des évènements, loin de tout alignement politique. La cause chrétienne est celle de la personne humaine car notre Seigneur s'est incarné pour son salut.

Je saisis cette occasion pour lancer un appel, en votre nom, que vous soyez dans la patrie ou dans la diaspora, à la communauté internationale pour l'inciter à déployer tout ce qui est possible pour libérer les personnes enlevés dont l’absence nous cause beaucoup de peine. Il est très important de s'empresser à tourner cette page, afin d'éviter les dangers des conséquences qui peuvent en résulter.

Notre appel est également un appel insistant englobant la nécessité d’œuvrer pour trouver rapidement une solution à la situation que vit notre patrie bien aimée la Syrie, et ce pour prendre pitié de ce peuple témoin d'une civilisation pluriséculaire fondée sur une présence humaine distinguée, et pour éviter les conséquences néfastes qui peuvent atteindre l'ensemble de la région.

Mes enfants bien aimés,

Au moment où nous entrons dans le temps de la passion et de la résurrection, je vous invite à faire de cette période, une occasion de proclamer notre unité, celle d’une Eglise qui rassemble tous ses membres autour de la défense de la justice. Intensifions les prières pendant cette période, encore plus que d’habitude. A l’instar du Maître qui a avancé sans craindre le chemin de la Golgotha, de même nous sommes invités à monter avec Lui sur ce chemin, tout en étant conscients parfaitement que nous vaincrons par la Croix, car notre Seigneur est ressuscité des morts et Il nous ressuscitera avec lui. Multiplions nos supplications de prières pour qu'elles soient un chemin de témoignage vivant, par lequel nous demandons à Dieu de relever l’injustice qui pèse sur nous, de permettre le retour des personnes enlevés à leurs bienaimés, de consoler les personnes endeuillées de la perte d’êtres chers et d’inspirer les personnes dures de cœur dans l’espoir de les dissuader de continuer à heurter leurs frères humains.

Pour cela, j'invite tout le monde, fidèles et pasteurs, à approcher le dimanche des rameaux, avec un esprit nouveau, afin qu’on commémore les évènements qui entourent cette fête en les reliant à ce que nous vivons aujourd'hui. Appelons ensemble à la résurrection de l'homme dans le cœur de chacune des personnes vivant dans ces contrées. Comme Lazare a été relevé d’entre les morts par le Seigneur, œuvrons par la diaconie que nous Lui offrons pour que le Seigneur puisse rentrer vainqueur au cœur de ce monde, comme il est rentré vainqueur à Jérusalem. Que notre procession se fasse avec des cierges ceinturés avec des ficelles noires, en chantant l’hymne de l’Acathiste à la Mère de Dieu "Invincible conductrice de nos armées ..." au lieu du traditionnel chant « Réjouie toi maison de Béthanie… ». Elevons à cette occasion nos supplications de prières à la Sainte Vierge Marie pour qu'elle préserve notre Eglise comme une ville protégée.

Je vous invite à prier pendant cette Semaine Sainte avec un esprit contrit, tout en étant conscients que si nous sommes tentés par ces épreuves, notre refuge est Le Seigneur. Dieu ne laissera pas tomber son petit troupeau. Que l'amour, le service, le courage, soient une introduction à la joie de la résurrection, cette joie qui ne peut nous être enlevée.

Résidence patriarcale
Monastère Notre Dame de Balamand, 27 avril 2013.