Notre souci commun est de plaire à Dieu



2013-02-10

Homélie prononcée par


Sa Béatitude Youhanna X,

Patriarche d’Antioche et de tout l’Orient,

lors de son intronisation,
le 10 février 2013,
en l’église de la Sainte Croix, à Damas.


Bien aimés, mes chers fils,

Nous rendons grâce à Dieu qui nous a donné, durant les deux derniers mois, de fêter Sa Nativité dans la chair en tant qu’homme, et Son Epiphanie, en tant que Dieu venu en ce monde pour notre salut. Nous savons, qu’après avoir accompli Son dessein salvifique par la mort sur la Croix, Sa Résurrection d’entre les morts et Son Ascension aux cieux afin de s’asseoir, avec Son Corps, à la droite de Dieu le Père, Il nous a envoyé le Saint-Esprit habiter le cœur de tous ceux qui L’invoquent, manifestant en eux le Seigneur Jésus et leur rappelant Ses paroles et Ses actes. Nous savons aussi que le Saint-Esprit manifeste Jésus tout d’abord dans Son Eglise, qui est Son Corps et qu’Il a voulu ‘sans tache ni ride ni rien de tel’ (Ephésiens 5 :  27). Il Le rend présent, au sein de l’Eglise, dans la parole de Son Evangile, le Corps et le Sang de Son Eucharistie, la rencontre de Ses frères réunis en Son Nom, et en tous les hommes, surtout les pauvres et les brisés, en qui Il a choisi de demeurer. De même, Il le manifeste là où Il veut, enfoui dans toutes les religions et les cultures.

Jésus, l’Emmanuel, est toujours présent en nous, dans l’attente de la rencontre. Il se réjouit de nos joies et se complaît de chacun de nos pas vers la sainteté. Il pleure avec nous nos épreuves et nos souffrances. Il pleure aussi sur nous à cause de notre retard à vivre, pasteur et troupeau, selon Ses commandements. Il pleure chaque fois que nous occultons Sa face sanglante et  glorieuse, et empêchons le monde de Le reconnaître dans Son Eglise et à travers nous.

    En ce jour béni, où la lourde croix de paître l’Eglise d’Antioche, si riche dans son histoire, est mise sur mes épaules, je vous invite, frères, à unir nos efforts pour mieux montrer cette richesse et en vivre. Cela sera dans la mesure où nous nous mettrons ensemble à l’écoute du Seigneur, et l’invoquerons chaque jour, disant : ‘Enseigne-moi à faire tes volontés, car c'est toi mon Dieu’ (Psaume 142 : 10).

    Ce n’est pas faire la volonté de Dieu de briser l’unité qu’Il a voulue pour Son peuple, et de diviser ce peuple  en plusieurs groupements. Nous sommes, ensemble, le Peuple de Dieu, un peuple charismatique, une  nation sainte, un sacerdoce royal. Chacun d’entre nous est appelé à réaliser les charismes que lui donne l’Esprit pour le service de tous. Le pasteur est le premier serviteur, celui qui se donne pour les brebis de son troupeau. Il est celui qui appelle chacun par son nom, comme le seul véritable Pasteur qui a donné Sa vie pour ceux qu’Il aime. Le vrai pasteur n’ordonne pas comme qui ‘détient un pouvoir’, selon les dires de saint Ignace d’Antioche, un des premiers pasteurs de notre Eglise antiochienne, dans son épître aux Ephésiens (3 : 1).  Le pasteur ordonne par le don de soi et par son amour.  Il ordonne par la croix sur laquelle il choisit, de plein gré, de s’élever, à l’exemple de son Maître. Il se doit cependant de contrôler les charismes de ses fidèles, séparant le bon grain de l’ivraie pour le faire fructifier. Il les convie à participer au chantier du Royaume qui commence sur cette terre, dans l’Eglise. Quant au troupeau, il se doit de mettre tous ses moyens au service de l’Eglise, qui est la véritable mère, en toute simplicité, loin de tout orgueil ou vanité, afin que seule prévale la Face du Christ. Il oeuvre sous la présidence de son évêque qui l’appelle sans cesse à l’amour et au service réciproque. ‘Vous n'avez qu'un Maître, et tous vous êtes des frères’ (Matthieu 23 : 8). Venez donc vivre cette fraternité dans le respect mutuel et la mort à soi-même, à l’image du Dieu qui nous aimé jusqu’à la mort.

    Il n’est pas agréable à Dieu de voir Son Eglise, appelée à paître tous les humains, ne pas s’intéresser aux pauvres, ces ‘petits’ aimés de Dieu, et ne pas en faire le but premier de ses activités et de ses structures. Jésus veut que personne ne souffre de pauvreté, surtout quand il voit que l’argent et les moyens ne nous manquent pas. Pourquoi ne mettons-nous pas devant nos yeux en permanence les paroles de saint Jean Chrysostome, cet autre grand pasteur originaire d’Antioche, et ne considérons-nous pas qu’elles nous sont adressées : ‘Tu ne possèdes rien de ce qui t’appartient, car tout est la propriété des autres… Il t’appartient ainsi qu’à ton prochain, comme le soleil, l’air et la terre’ (Homélie 20 sur la deuxième épître aux Corinthiens).

    Jésus souffre de constater que nombre de nos fils, surtout des jeunes, deviennent étrangers à leur mère, en choisissent une autre ou se laissent aller à une indifférence étouffante. Il nous faut mettre le retour de tous ceux-là au Christ comme une de nos priorités, afin de ramener au bercail tout fils prodige et le convier à remplir le rôle qui est sien dans le chantier de l’Eglise. Pourquoi n’essayons-nous pas de chercher les vraies raisons de l’éloignement de ces jeunes ? Pourquoi ne changeons-nous pas notre pastorale pour aller vers eux, et les convaincre, non par des paroles, mais par un retour de notre vie liturgique et de notre catéchèse vers leurs sources premières, chassant la monotonie de certaines de nos pratiques ? Nous avons à être inventifs pour leur permettre de vivre les profondeurs de notre Liturgie inspirée, et voir s’ouvrir devant eux des voies innommables de sonder le cœur de Dieu et celui du frère. Nous avons devant nous un immense chantier en vue de renouveler notre pastorale et nos programmes catéchétiques. Le prêtre, le moine et la moniale, les laïcs, hommes et femmes, doivent mettre la main à la pâte. Nous avons besoin tout autant du savoir du théologien et de l’éducateur, et de l’expérience de ceux qui œuvrent dans les domaines pastoraux et d’aide sociale.

    Les jeunes gens et les jeunes filles sont la richesse de l’Eglise. Ils sont ses ambassadeurs dans ce monde qui change à une allure vertigineuse. Nous voulons qu’ils prennent ce rôle d’ambassadeurs au sérieux, et qu’ils sachent que toute l’Eglise a besoin de leur enthousiasme et de cet engagement que seuls les jeunes savent  prendre en consacrant leur vie au but qu’ils se sont fixés. Nous devons faire de sorte qu’ils sachent qu’ils ont une place particulière dans l’Eglise du Christ qui a aimé le jeune homme riche et a regretté son éloignement. Les jeunes sont toujours riches du fait de leur jeunesse, de leur enthousiasme et  des charismes que Dieu leur donne. Nous avons besoin d’eux, et nous les poussons, par notre amour, à prendre part au chantier de l’Eglise. Ils doivent se sentir responsables d’elle, avec tous leurs frères, et surtout ceux que Dieu a chargé de veiller sur la communauté. Si nous savons les aimer comme le Christ les avait aimés, la relation avec eux deviendra fraternelle, affectueuse et fondée sur le respect mutuel. Ils dépasseront alors toute opposition entre pouvoir et obéissance, et vivrons en fils au sein de la même famille, y obéissant à ceux qui obéissent au Christ. Le pouvoir deviendra ainsi obéissance et l’obéissance un pouvoir de l’amour.

    Il n’est pas agréable au Seigneur de nous voir attachés à la lettre et figés sans vie ni esprit pendant que l’Eglise ne vit qu’en l’Esprit Saint. C’est par Lui qu’elle s’est acclimatée à toutes les époques. La Tradition ecclésiale n’est pas une réalité sans vie, qu’on répète sans en prendre conscience. Elle est un moyen de salut et d’approche du mystère divin. Nous vivons à une époque qui rejette souvent toute tradition. Cela influence négativement nos jeunes. Notre Eglise doit accompagner toute époque, car le Christ a voulu qu’elle témoigne dans toutes. Accompagner une époque comme la nôtre nous oblige d’abord à enlever la poussière accumulée par nos péchés et le temps sur notre Tradition, puis à œuvrer pour retrouver le souffle premier. La modernité est une grâce qui nous invite à revivifier les fondements de notre vie liturgique et de notre catéchèse. Elle nous convie aussi à distinguer entre la sainte Tradition et les traditions profanes auxquelles nous sommes souvent attachés, et qui nous font rester à la surface des choses, nous empêchant de sonder la vie qui sourd dans leurs profondeurs. Le témoignage de l’Eglise à notre époque nous oblige à distinguer le blé de l’ivraie dans la modernité. Le blé y abonde. Nous devons y avoir recours pour nous faire comprendre de notre peuple qui vit de plus en plus de la culture universelle de la modernité. Notre Eglise ne doit pas avoir peur d’utiliser les techniques modernes pour renouveler ses pratiques et bâtir des ponts avec son peuple par des moyens et une langue qui lui sont familiers. Nos Pères ont agi de la sorte vis-à-vis de la philosophie grecque, dominante à leurs époques, pour transmettre l’Evangile et ses enseignements dans une langue compréhensible à ceux auxquels ils s’adressaient. Nous devons en faire de même, si nous voulons rester fidèles à la transmission de la Bonne Nouvelle de nos jours. Cette fidélité nous enjoint aussi de faire en sorte que la vie du Christ illumine nos visages, notre liturgie et toute notre Eglise, afin que les hommes y trouvent les voies du salut. Somme toute, le renouveau n’est pas seulement dans le nécessaire renouvellement des textes pour les rendre plus intelligibles. Il est aussi dans le renouvellement des personnes et de leurs opinions, pour qu’elles se fixent sur la Face du Christ et s’y attachent. C’est alors que le renouveau atteint le cœur de l’homme et le mène au salut.

    Il va de soi que le Seigneur se désole à la vue de la violence et du meurtre qui prévalent dans certains de nos milieux, comme dans notre chère Syrie, qui vit des jours de grande épreuve. Beaucoup de nos frères y ont dû abandonner leurs maisons et leur patrie, et sont sans travail et sans assistance. L’amour est ennemi de la mort et de toute violence d’où qu’elle vienne. Le malheur de ces frères est le nôtre. Notre devoir est de les aider et d’aller vers eux dans l’amour. L’avons-nous fait suffisamment ? Jésus souffre en chacun d’entre eux. Allons-nous le secourir ? Ne devons-nous pas subvenir à leurs besoins et y mettre les moyens, comme ces ‘gérants du ciel’ selon Maxime le Confesseur, un des grands saints d’Antioche ? Il nous faut porter la croix de nos pays, prier et agir pour la réconciliation et pour que la fraternité, la paix, la liberté et la justice y prévalent, dans un refus total de la violence et de la haine.

    Ne pensez-vous pas que Jésus se désole aussi quand Il voit parmi nous, des pasteurs et des brebis, se comporter loin de l’esprit de Son Evangile, et scandaliser par leurs actes nombre de ceux qui croient, plutôt que de les mener à imiter Jésus, en se comportant comme Lui ? Nous avons besoin de repentance, personnelle et communautaire. Nous devons prendre les mesures nécessaires, et nous confier pleinement à Dieu pour qu’Il nous pardonne et nous ramène à Lui, car ‘Dieu se manifeste en celui qui Le désire et se repose en Lui et se complaît en Ses justes’, selon Saint Jean Damascène.

    Dans ce contexte, je voudrais parler de la formation au sacerdoce et de la nécessité d’avoir des pasteurs à l’image de Dieu, sérieux et pleinement engagés au saint ministère, toujours prêts à prendre part au chantier de l’Eglise et à en élargir les horizons. Je voudrais inviter nos jeunes à s’engager dans ce service ecclésial, avec humilité, persévérance et un grand amour de Dieu, gardant toujours à l’esprit les paroles du Seigneur à Pierre : ‘Si tu m’aimes, pais mes brebis’ (Jean 21 : 15). Il nous faut aussi, pour aider nos prêtres à remplir au mieux leur ministère, les entourer de notre sollicitude, veiller à leur offrir une bonne formation et leur assurer tous les moyens nécessaires pour une vie honorable. Nos fidèles ne doivent jamais oublier la responsabilité qui est la leur dans ce domaine.

    Le monachisme a aussi un grand rôle à jouer dans le renouveau de la vie spirituelle et ecclésiale, à travers ces ‘oasis spirituelles’ que sont les monastères. Dieu nous a donné, durant les dernières cinquante années, de les voir refleurir dans notre Patriarcat, qui a vu autrefois la naissance de la vie monastique. Nous avons besoin de monastères où l’on mène une vie commune dans la fraternité, la prière, le travail et le combat spirituel, et dont les membres nous citent dans leurs prières. Nous sommes convaincus que ces prières préservent le monde et tout ce qui s’y trouve, et encouragent le travail dans le chantier de l’Eglise.

    Jésus veut qu’entre nous les choses se fassent dans la convenance, la discipline, la sagesse et l’ordre. Il nous faut respecter nos statuts, les
renouveler, s’il le faut, résoudre les obstacles qui les entravent et œuvrer à leur application. Ces statuts ne sont pas des lois immuables, mais une expression de la vie de l’Eglise groupée autour de son Maître.

    De même, il nous faut veiller à rendre les institutions, que le Seigneur nous a octroyées grâce aux efforts de nos prédécesseurs de bienheureuse mémoire, encore plus présentes pour faire face aux défis de la société de consommation. Il faut les encourager à puiser dans notre héritage et l’apparition de l’Esprit en nous, la force d’interpeler cette société, et donner ainsi à nos fidèles les moyens de s’opposer à ce qu’elle a de mauvais, tout en acceptant, sans peur ni repli sur soi, ce qu’elle a de meilleur. Rien ne justifie l’existence d’institutions dans l’Eglise si, malgré leurs apports culturels et sociaux au service des enfants de Dieu, elles ne témoignent pas de Jésus, et ne transmettent pas Son message.

    Jésus veut que Son Eglise soit la lumière du monde. Or la lumière ne se met pas sous le boisseau, mais doit luire dans l’esprit de nos contemporains et leur cœur. Toutes nos forces vives doivent être appelées au service de leur mère, l’Eglise d’Antioche, pour qu’elle reflète l’éclat dont elle a brillé au cours de l’histoire. Dans ce contexte, il ne faut pas oublier le rôle important que doivent remplir l’Institut de théologie saint Jean Damascène, et l’université de l’Eglise orthodoxe, l’Université de Balamand, dans le renouveau de notre vision pastorale et le renforcement de notre esprit critique.  Ils doivent nous aider à trouver la parole adéquate pour affronter les défis importants qui nous interpellent. Toutes nos autres institutions se doivent de suivre cette voie.

    Le Seigneur se réjouira de constater que nous œuvrons, pasteurs et troupeau, pour renforcer l’unité des Eglises orthodoxes, aider à surmonter les obstacles pour une pleine expression de leur œcuménisme, et prendre une part active à leur préparation commune du saint et grand Concile espéré, pour lequel l’Eglise de Constantinople et le Patriarcat Œcuménique jouent un rôle majeur. Nous veillerons à ce que l’Eglise d’Antioche demeure un pont facilitant les échanges entre ces Eglises, soutenant  toute décision prise à l’unanimité des Eglises, et œuvrant toujours pour trouver à leurs problèmes des solutions pouvant manifester, loin de toute gloire mondaine, le visage de Jésus et l’unité de Son Eglise, pour le salut du monde.

    Jésus pleure sans doute à la vue de la division de la chrétienté, de l’éloignement actuel entre ses composantes, et du recul apparent de l’action de rapprochement œcuménique. Nous devons nous joindre à la prière de Jésus, avec tous les frères qui se réclament de Lui, afin ‘d’être un’ (Jean 17 : 1). Il nous faut aussi comprendre que cette unité est une condition nécessaire ‘pour que le monde croie’ (Jean 17 : 21). Le recul de la foi, le manque d’intérêt des hommes face à l’amour du Seigneur, la mise de leur espérance dans le seul humain, à défaut du Dieu qui les a créés à Son Image et les a conviés à Sa ressemblance et à la divinisation, tout cela n’est qu’un signe, parmi tant d’autres, qui doit nous encourager à travailler sans cesse à rapprocher les Eglises, en Orient et en Occident, et à pousser leurs fidèles à mieux se connaître et à coopérer dans les domaines du témoignage et de la pastorale. Des initiatives prophétiques courageuses doivent être prises afin que Dieu nous inspire, quand Il le voudra, à participer ensemble à la même coupe de Son sang. Nous pourrons alors répondre à celui qui nous interroge sur notre foi : ‘Viens et vois’ (Jean 1 : 46), viens voir combien notre amour, les uns pour les autres, jaillit de notre amour de Celui qui nous a aimés le premier et donné Sa vie pour nous.

    Dieu ne serait pas satisfait de constater que la convivialité dans l’amour, que nous avons longtemps maintenue avec nos concitoyens non chrétiens dans nos pays, se dégrade ici ou là pour des raisons politiques diverses, ou par la montée, chez nous ou chez les autres, d’un intégrisme étranger à toutes nos religions.  La charité ne connaît pas la peur ni l’hostilité. Elle est ‘longanime, serviable,… elle n'est pas envieuse,… ne se gonfle pas,… ne tient pas compte du mal,... ne se réjouit pas de l'injustice’ (1 Corinthiens 13 : 4, 5). Elle doit être notre emblème. En elle se trouvent nos seules armes. Notre Eglise d’Antioche est une Eglise orientale, enracinée profondément dans notre région et l’Orient arabe. Les antiochiens sont, avec leurs frères musulmans, les fils de cette terre. C’est ici que le Seigneur a voulu que nous soyons les témoins de Son saint Nom. C’est ici qu’Il veut que nous restions. Il veut nous voir encourager une vie conviviale dans l’honneur, et rejeter toute peur, orgueil ou haine des autres. Quant à vous, nos frères les Musulmans, sachez que vous nous êtes très chers. Nous ne nous partageons pas seulement le même destin et la même terre. Nous avons construit ensemble la civilisation de nos pays. Leur culture et leur histoire nous sont communes. C’est pourquoi, il nous faut préserver ensemble cet héritage si précieux. N’oublions pas surtout que partageons aussi l’adoration du même Dieu Unique, le Dieu véritable, Lumière des cieux et de la terre.

    N’oublions pas aussi que nous sommes une Eglise, et non un groupe confessionnel (al Ta’ifa) parmi d’autres. L’Eglise englobe le groupe confessionnel et ne peut l’ignorer. Mais, elle ne peut lui être assimilée et y limiter ses préoccupations, car Notre Seigneur nous demande d’aimer tout le monde et de vouloir le bien à tous. Ceci ne veut pas dire être sourd aux problèmes de cette communauté qui forme le tissu social de notre Eglise. Bien au contraire, il faut nous ouvrir, dans un esprit évangélique, à toutes ses composantes. Prier sans cesse pour tous ses membres, car c’est par la prière que nous les ‘conduiront à Dieu’ (Ignace d’Antioche). Mais nous voulons aussi les entendre, apprécier leurs problèmes et aider à les résoudre. Nous savons que nombreux sont ceux qui émigrent par peur ou souci de l’avenir. D’autres, pour assurer leur subsistance. Ces choses sont au cœur de la mission de l’Eglise. Elle se doit d’y prêter la plus grande attention, et utiliser toutes ses ressources pour les encourager à ne pas quitter leur sol. Quant à ceux qui sont partis ou vont partir, il nous faut trouver les moyens pour continuer à les servir, au sein de la diaspora, par l’intermédiaire des diocèses antiochiens qui s’y trouvent. Là où ils sont, il ne faut jamais cesser de les convier, avec insistance, à ‘imiter le Christ comme Il a imité le Père’ (Ignace d’Antioche, Epître aux Philadelphiens, 7 : 2), leur rappelant que nous resterons ‘des compagnons de route et des porteurs de Dieu’ (Ignace d’Antioche, Epître aux Ephésiens, 9 : 2). Sans Dieu et notre recours à Lui dans l’humilité et la garde du cœur, les groupements humains perdent leur saveur, et n’ont ni présent ni futur.

    Mes frères, mes chers fils, notre souci commun est de plaire à Dieu. Je vous invite, avec mes co-serviteurs, les membres du Saint Synode antiochien, nos diocèses ici et à l’étranger, et l’ensemble de nos fidèles, à relever ce grand défi. Le Siège d’Antioche est un et nous veillerons à ce qu’il le reste, et qu’il gagne en unité et en rayonnement. Aucun diocèse ne doit s’isoler des autres, mais devra encourager la coopération et la synergie. Chaque diocèse doit s’ouvrir sur les autres Eglises orthodoxes, les Eglises chrétiennes sœurs, et tous les hommes de bonne volonté. Le but premier du Siège d’Antioche est que Jésus n’aie pas honte de nous. Nous devons tous nous épauler, dans l’amour et l’unité, pour atteindre ce but. Aidez-moi à y parvenir, pour que notre Eglise soit illuminée de la lumière du Christ habitant nos visages, et qu’elle soit servante, signe de paix, de fraternité et de partage, afin que ce monde qui s’effrite et cherche un sens à la vie, le trouve en elle. Nous savons que le sens de la vie est en nous, mais nous savons aussi que souvent nos passions et nos péchés l’occultent. J’appelle avec humilité et fraternité, tous nos diocèses à épousseter avec ardeur la perle précieuse qui leur est confiée, en collaborant avec tous les fidèles et les associant au service de l’Eglise. C’est ainsi que nous serons tous les vrais témoins de Notre unique Seigneur qui nous a rachetés avec Son Sang précieux, et qui veut que l’Eglise d’Antioche, où nous avons été appelés chrétiens en premier, reprenne le rôle primordial qu’elle a joué autrefois.

    Je voudrais enfin exprimer, en mon nom propre et celui du saint Synode Antiochien, nos remerciements aux gouvernants de la Syrie et du Liban et à leurs peuples. Nous voulons confirmer que tout ce qui les touche nous touche en profondeur. Nous prions pour que Dieu éloigne d’eux tout malheur, toute violence et toute destruction, et les amène à jouir de la paix et d’une vie dans l’honneur.