La Résurrection est une Création Nouvelle - …



2013-05-05

Lettre à l'occasion de la fête de Pâques

De Sa Béatitude Youhanna X

Patriarche d'Antioche et de tout l'Orient


À tous nos bien-aimés dans le Seigneur, clercs et laïcs, fidèles du saint siège d'Antioche.

Il m'est agréable, en ce jour de la glorieuse Résurrection du Christ et de notre résurrection en Lui, de rappeler la signification de cette fête et certains de ses aspects.

La Résurrection du Seigneur est une renaissance pour chacun d'entre nous. Par elle est abolie l'œuvre de notre ennemi le Diable. Par Sa Résurrection vivifiante, le Seigneur Jésus a vaincu la mort qui épouvante les humains. Par Sa mort, Il est descendu dans les antres de la mort, en enfer, les a fait imploser et perdre leur  pouvoir. Certes, la mort est toujours là, mais elle est devenue un passage vers la vie véritable, une sortie parfaite du temporel vers l'éternité. La Résurrection a remplacé le péché par la grâce, la finitude par l'éternité et la mort par la vie. Elle a mis fin au règne du Malin et instauré celui de Dieu. La lumière à pris la place des ténèbres.

La Résurrection est une création nouvelle. Elle fait de nous des hommes nouveaux, un peuple nouveau. Elle prouve la force de la vie, l'énergie du renouvellement, la seigneurie de la lumière et la pérennité de la vérité. "Celui qui est en Christ est une créature nouvelle" (2 Corinthiens 5: 17). Elle représente la victoire de Dieu sur les forces du péché qui défigurent la création et l'homme et veulent les détruire. C'est cette victoire qui a poussé l'Apôtre Paul à s'écrier: "La mort s'est transformée en victoire. Mort, où est donc ton pouvoir? Enfer, où est ta victoire?" (1 Corinthiens 15: 54-55).

Par Sa Résurrection, le Christ a ouvert à l'homme le chemin de la vie véritable, une vie faite de joie, de lumière, d'amour et de renaissance. Il a renouvelé notre ancienne nature à Son image afin que nous prenions vraiment part à Sa Résurrection. Si nous avons la foi et si nous le voulons, la Résurrection du Christ deviendra notre propre résurrection. Saint Syméon le Nouveau Théologien a dit: "le Christ est enseveli en nous comme en un tombeau. Il s'unit à nous, nous relève de nouveau et nous ressuscite en Lui". Quand nous deviendrons des vases purs aptes à recevoir le Saint Esprit, notre commémoration de la Résurrection sera récurrente et "se produira mystérieusement en nous à tout instant".

La Résurrection véritable ne peut se comprendre sans la Croix qui est la voie qui y mène. Nous ne pouvons vivre la Résurrection du Seigneur sans nous rappeler Sa Croix et sans la porter. Si nous voulons participer personnellement à la Résurrection du Seigneur, il faut nous souvenir de la Croix qui l'a précédée. Sans la Croix, nous n'aurons pas part à la gloire du Christ Ressuscité. Si nous ne nous rendons pas compte de la place de la Croix dans note vie, de quoi ressusciterons-nous? Si nous sommes satisfaits de notre état, où trouverons-nous les signes de notre résurrection? Si les ténèbres du péché continuent de nous envahir, comment voulons-nous que la lumière de la Résurrection puisse nous remplir? Nous ne pouvons pas célébrer la Résurrection du Christ tant que la lumière du Sauveur n'aura pas totalement chassé de notre âme les ténèbres de nos péchés.

Voilà que nous commémorons cette fête au milieu d'angoisses et de peurs croissantes, de toujours plus de destructions, d'un surcroit de maux et de meurtres partout et en tout temps. Comment célébrer la Résurrection quant le pays vit ces drames, que les affamés abondent et que le nombre des déplacés s'accroit? Comment vivre la Résurrection quand la croix est ainsi toujours présente?

C'est là le mystère du Christ, car "par la Croix la joie à rempli tout l'univers". Là où se trouve la croix se trouve la vraie résurrection. Sinon elle n'est que paroles et poésie. Le monde n'aime pas la croix. Il veut ignorer les croix qui ne cessent de l'entourer. Le croyant ne doit pas faire semblant de ne pas les voir, mais il doit les affronter dans l'esprit de la Résurrection pour en faire émaner la vie nouvelle et l'en illuminer. La force de la Résurrection du Christ transforme la croix en instrument de joie, en chemin de vie, en témoin de l'amour et invitation à la coopération et l'entraide.

Comment devons-nous vivre la Résurrection? Comment l'incarner dans notre vie? Comment la faire passer de paroles écrites dans un livre à notre vécu?

Nous célébrons la Résurrection et la vivons quand nous empêchons le mal d'entrer en nous et de s'installer dans notre cœur, qu'elle qu'en soit son emprise. Nous vivons la Résurrection quand nous ne répondons pas au mal par le mal, quand nous œuvrons à nous purifier en permanence de toute trace de rancune et de haine. Nous la vivons quand nous nous accrochons à une vérité constructive qui unit sans séparer,  qui réjouit sans attrister, qui bâtit sans détruire. Considérons la vérité à laquelle nous avons été conviés, cette vérité qui libère ceux qui la connaissent de tous les servitudes du péché. Considérons aussi la vérité des autres et soulignons-la, même infime ou cachée, pour bâtir à partir d'elle des moyens de communication avec nos concitoyens et nous compléter, afin de construire la patrie et l'homme qui y vit.

Bien-Aimés,
Ce que nous avons dit à propos de la Croix et de la Résurrection a aujourd’hui une plus grande résonance dans notre vie, car nombre de nos frères sont sous l’emprise des douloureuses circonstances que nous vivons. Des évêques, des prêtres et des laïcs parmi nos frères sont toujours aux mains de leurs ravisseurs. D’autres, prêtres et laïcs, ont été tués et des milliers de nos fidèles ont dû quitter leurs domiciles. Nous portons sur nous la croix de leur détresse à tous. Nous partageons le drame vécu par le diocèse d’Alep ainsi que la tristesse de chacune de nos paroisses et de nos fidèles . Nous devons cependant faire en sorte que cette tristesse nous pousse à un surcroit de force face à ces épreuves, et qu’elle soit pour nous une occasion de proclamer notre foi en la Résurrection. Nous avons à ce jour fait de nombreuses démarches auprès des diverses autorités concernées, sur les plans international et local, leur demandant d’œuvrer, non seulement à libérer les otages, ce qui serait la moindre des choses, mais à bannir la violence entre nos citoyens et ramener la paix dans notre région. Nous ne baisserons point les bras mais suivrons Notre Seigneur sur le chemin du Golgotha. Nous continuerons à faire ce que nous devons et ne cesserons de réclamer le droit de l’homme de nos pays à une vie digne et paisible. Sans nul doute, la résurrection finira par advenir. Pour cela, je vous convie à plus d’unité, de prières, d’affirmation de votre foi, d’amour pour votre terre et d’ouverture envers vos concitoyens. Nous serons ainsi plus forts et plus efficaces dans nos demandes pour que cesse l’injustice qui nous touche à tous, que les otages reviennent sains et saufs et qu’il n’y est plus de larmes sur tous les visages attristés.

Nous serons vraiment des enfants de la Résurrection quand nous deviendrons de véritables ponts où les belligérants de toutes sortes pourront se rencontrer. Nous ne demandons rien pour nous-mêmes que de les voir nous utiliser pour aller les uns vers les autres, selon l’exemple de Notre Seigneur qui n’a rien demandé pour Lui-même, mais a donné Sa vie au monde pour le salut.  Soyons donc des agents de rapprochement entre tous. Seul l’amour qui se donne et se traduit en actes et en vérité peut bâtir les nations.

Nous serons des fils de la Résurrection quand nous vivrons notre foi dans sa profondeur, son authenticité et tout son contenu. Les expressions extérieures changent avec les cultures, les civilisations et les modes de vie, mais le  contenu authentique garde ces expressions fidèles au message, donné une fois pour toutes aux saints, qui reste le même  en  dépit des changements de situations, de modes et de cultures. Imitons le courage du Christ qui n'a eu peur de rien jusqu'à la mort, mais ayant affronté la Croix par l'amour, Il nous a mené à la Résurrection. Affrontons à notre tour la croix de notre Orient avec un grand amour pour tous ceux qui y sont cloués, afin de parvenir avec eux à la résurrection que nous espérons pour tous. Vivons ces temps douloureux avec une simplicité de vie, nous contentant du nécessaire et expérimentant la richesse véritable de la vie en Dieu. Que nos priorités soient pour l'entraide, la coopération et la mise en commun. Les indigents sont nombreux et ceux qui sont touchés dans leurs corps ou leurs biens ne cessent d'augmenter. Soyons tous une même famille, habitons une unique demeure. N'oublions pas les paroles de l'Evangile concernant "celui qui a donné à ces petits un verre d'eau fraîche, c'est à Moi qu'il l'a donné" (Matthieu 10: 42).

A cette occasion, je voudrais aussi m'adresser à nos fidèles dans les pays de diaspora pour leur souhaiter une bonne fête, des jours bénis et heureux, et leur rappeler qu'ils ont un rôle à jouer et le devoir d'exprimer leur amour envers leurs parents, leurs peuples et leurs mères patries et leur sollicitude en les aidant de toutes les façons possibles, selon leurs moyens.

Enfin, nous ne devons pas oublier que Dieu est le maître de l'histoire, et que nous devons demeurer dans  la patience et l'espérance sans déclin. Rappelons-nous combien les prophètes, durant les temps d'épreuve, ont appelé à la pénitence et à la fidélité envers Dieu, afin qu'Il intervienne et fasse cesser l'épreuve. Durant ces temps d'angoisse que nous vivons, il nous faut des témoins fidèles. Que Dieu nous donne de sortir de notre épreuve avec plus de fidélité, de pureté et de foi. Quand nous aurons compris que seul Dieu doit nous suffire, les effets de la Résurrection commenceront à se manifester en nous. Alors nous serons transfigurés, ainsi que tout ce qui nous entoure.


Christ est Ressuscité! En vérité, Il est Ressuscité!